La préoccupation majeure du « credit manager » est d’éviter les défauts de paiement. Avec le Covid, l’analyse de crédit reposant essentiellement sur l’analyse financière des comptes des sociétés de l’année 2020 ne suffit plus dans la décision d’encours de cas difficiles ou de secteurs en reprises d’activité.

Cette réalité oblige les « credit managers » pour factualiser leur jugement, à aller chercher pour l’année 2021, d’autres informations sur l’entreprise sur le risque sectoriel, comment l’entreprise à financer sa reprise d’activité post Covid, l’utilisation des aides obtenues, voire de la recapitalisation de ses capitaux propres pour faire face ses engagements financiers.

 

La confidentialité des comptes, une démarche pas toujours judicieuse pour les entreprises, notamment en ces temps troublés…

Ce besoin d’information complémentaire est également accentué par la diminution de la disponibilité des comptes sociaux des entreprises. En 2020, sur les 1 253 000 comptes sociaux publiés, en France, 60% ont choisi la confidentialité des comptes « totale » ou « partielle ». Généralement, trois situations encouragent les entrepreneurs à ne pas publier les comptes annuels ou à déposer une déclaration de confidentialité :

  • Les comptes de l’entreprise sont négatifs ou en baisse : certaines entreprises ne veulent pas faire état d’un bilan défavorable qui limiterait leur encours client, car on sait que la majorité des défaillances viennent d’une trésorerie défaillante ou des capitaux propres insuffisants
  • L’entreprise vient d’être créée et n’a pas encore “stabilisé” sa situation
  • L’entreprise ne souhaite pas dévoiler des informations stratégiques à un concurrent, un client ou un fournisseur.

Pour le credit manager, dès lors qu’une entreprise opte pour la non-publication de ses comptes ou demande la confidentialité de son compte de résultat, elle laisse la porte ouverte à des suspicions parfois infondées sur sa santé financière.

 

Les PGE pourraient compromettre la capacité de rebond des entreprises fortement endettées

Ces derniers mois, la crise sanitaire a fortement impacté l’activité des TPE-PME et leurs capacités à honorer leurs engagements financiers. Les Prêts Garantis par l’État (PGE) ont redonné aux entreprises une bouffée d’air dans leur trésorerie.

Toutefois, cette mesure de soutien a augmenté les niveaux d’endettement des entreprises. Il ne faut pas oublier que le PGE n’est ni plus ni moins qu’un emprunt bancaire, sur des taux relativement faibles. En juin 2021, Bercy a estimé à environ 138,3 milliards d’euros le total des encours accordés à quelque 680 000 entreprises durant la pandémie. Cependant, ces mesures de soutien après une perte de revenus d’activité ont augmenté les niveaux d’endettement des entreprises françaises déjà fortement endettées.

Avec le retour à la normale des marchés, il faut savoir qu’une entreprise doit avoir la capacité de financer la croissance de ses ventes au risque de disparaître. Elle le peut, soit en utilisant sa trésorerie, soit en augmentant ses capitaux propres, soit en externalisant ses créances (affacturage), ou encore en s’endettant par le recours crédit bancaire.

Ainsi, le credit manager qui souhaite se faire une idée sur la santé d’une entreprise, doit juger l’équilibre entre la trésorerie disponible, l’endettement, et les capitaux propres. L’endettement n’est pas à la base néfaste puisqu’il permet à l’entreprise de se développer, mais c’est son excès qui pose problème. Quant au niveau d’endettement acceptable, il n’existe pas de règle. Celui-ci est différent selon le secteur d’activité. La pandémie laisse ainsi les entreprises plus vulnérables encore à leur excès d’endettement.

 

Un environnement volatile, incertain, complexe, ambigu à maîtriser par le credit manager dans la décision de crédit

Ainsi, avec la pandémie, l’environnement de la solvabilité des entreprises pour le credit manager peut être comparée au modèle VUCA (VICA en français) – Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu. Et cela d’autant plus en cette période de redémarrage économique durant la quelle la majorité des secteurs d’activité est confrontée à des perturbations de l’offre autour de problème d’approvisionnement, de rupture des stocks, de pénurie de main d’œuvre. Il faut savoir que le PIB français, après avoir reculé de 8,3 % en 2020, devrait cette année rebondir de 5,9 %. Dans le cadre de cette dynamique marché positive, se pose alors la question pour les entreprises de comment financer cette reprise et recruter.

 

Qu’en conclure ?

Les excès de dette, déjà préoccupants avant la crise, se sont accrus pour les entreprises durant la pandémie. De plus la raréfaction d’information sur les comptes annuels des entreprises dans une situation économique troublée, pose pour le « credit manager » la question de l’octroi d’encours pour les entreprises à risque fort. Ce questionnement nécessite de disposer de plusieurs informations sur ces entreprises :

  • Leur niveau de trésorerie ainsi que leur degré d’endettement bancaire et de consommation des aides d’état
  • La dynamique de leur secteur afin de mesurer le risque sectoriel et la sensibilité de l’activité à cette reprise d’activité