Interview

Rencontre avec Sylvain Morellet, Directeur des Ressources Humaines chez Ellisphere

Sylvain Morellet

Comment Ellisphere s’est-elle organisée pour répondre aux enjeux du confinement ?

Comme nombre d’entreprises, nous manquions de visibilité sur l’ampleur de la crise sanitaire. Quelques jours avant l’annonce du gouvernement, nous avons, en urgence, convoqué notre cellule de crise composée de notre présidente et des directeurs de la production, de l’organisation, des services d’informations et des ressources humaines. Ces réunions nous ont permis d’élaborer un plan de gouvernance et de coordonner les actions pour faire face à cette situation inédite.

Notre plan de continuité a été la pierre angulaire de notre organisation. En prenant l’inverse de son objet,  car nous n’avons pas souhaité assurer un maintien minimum de l’activité, mais au contraire  optimiser nos process de travail pour assurer une performance optimale de nos équipes.

Dès le vendredi précédent l’annonce du confinement, nous avons communiqué auprès de nos collaborateurs équipés en nomade, de prendre leurs équipements avec eux le soir même. Nous nous sommes alors très rapidement engagés sur la mise en place du télétravail. Depuis quelques mois, cette voie  était à l’étude et avait abouti à un accord d’entreprise dont le démarrage de la phase test devait débuter en mars !

La soudaineté de l’annonce du confinement a donc accéléré le processus et l’a généralisé à tous les collaborateurs, lorsque la situation le permettait.

 

Comment s’est déroulée la mise en place de cette nouvelle organisation ?

Pour faire face à l’urgence de la situation, nous avons dû être très réactifs.

Nos services ont étudié la situation de chaque collaborateur pour envisager la faisabilité de l’organisation, les évolutions de charges d’activité, les éventuelles activités partielles et identifier les conséquences sur les équipes, collectivement ou individuellement.

Dans ce cadre, il s’agissait de permettre une poursuite du travail ou de prendre des mesures alternatives. Des difficultés ont pu être identifiées pour certains (management à distance, conditions de travail, risques psychosociaux), l’accompagnement des managers a donc été central pour mettre en place cette organisation efficacement.

Nous avons également renforcé notre dispositif de communication interne pour que l’ensemble des collaborateurs ait accès à une information complète et adaptée à sa situation, y compris pour les personnes en suspension de contrat (maladie, garde d’enfant, chômage partiel…).

Nous avons souhaité limiter au maximum l’isolement ou la perte de contact. Il nous fallait aussi redonner du sens aux mesures prises pour faire face à cette crise. Pour ce faire, des échanges avec les Instances Représentatives du personnel ont eu lieu chaque semaine afin d’assurer une communication sociale permanente.

 

Comment a été prévu le retour des collaborateurs au sein de l’entreprise ?

Lorsque le déconfinement a été annoncé, nous avons défini la marche à suivre de manière concertée. Notre politique a été de poursuivre au maximum le télétravail pour suivre les recommandations du gouvernement et conserver la distanciation sociale.

Cependant, pour les personnes qui ne pouvaient pas télétravailler ou dont le télétravail devenait très difficile à maintenir, nous avons organisé un retour progressif et sécurisé. Afin d’entamer sereinement le retour des collaborateurs, de nombreuses mesures ont été prises pour favoriser la sécurité de tous : application de règles d’organisation sanitaire, distribution de kit de protection, actions de désinfection quotidiennes, adaptation des postes de travail… Ces informations ont été communiquées largement afin de rassurer les collaborateurs sur la situation.

Par ailleurs, une démarche de concertation entre les élus du CSE, le management et l’ensemble des collaborateurs a été mise en place pour prendre en compte les préoccupations de chacun et les situations particulières. En effet, l’envie de retrouver son cadre habituel de travail peut se heurter à la crainte de se retrouver en situation de risque. Notre travail a donc été de rassurer et de préparer les retours qui se feront progressivement. Le travail à ce titre n’est pas fini, car il nous faut envisager plusieurs options.

 

Que retenez-vous de cette situation inédite ?

Si je devais retenir un élément, je citerais l’engagement et la résilience des collaborateurs dès le début de la phase de confinement. Notre baromètre social  l’avait déjà identifié comme une caractéristique de nos valeurs humaines internes ; la crise l’a encore renforcée.

De plus, notre capacité à réagir collectivement et à nous adapter rapidement à cette situation inédite a été une réelle satisfaction. Cependant, même si le télétravail a pu s’appliquer de manière massive et efficace, il n’en demeure pas moins que ce type d’organisation de crise s’avère difficile à pérenniser.

Il nous faudra donc, demain, distinguer entre le possible et le souhaitable. Tirer les enseignements de cette période pour faire évoluer notre organisation est l’enjeu qui nous attend. C’est un chantier que nous venons d’ouvrir et dans lequel nous impliquerons largement nos collaborateurs.

La situation reste complexe et délicate. La pandémie a imposé un confinement total de 2 mois et partiel depuis 4 semaines. Pour faire face à ses enjeux, l’entreprise a répondu à son obligation de sécurité et pris les mesures opérationnelles nécessaires. Cette situation génère néanmoins une situation très anxiogène à plusieurs titres.

En instaurant un télétravail imposé, le confinement a brouillé les cartes entre environnements professionnel et privé, avec pour certains un mode dégradé, un surmenage ou au contraire un sentiment de non-utilité, notamment en cas d’activité partielle.

Le déconfinement, et le retour potentiel sur les sites de travail qu’il implique, amène les collaborateurs à s’interroger sur le risque qu’ils encourent et la confiance qu’ils peuvent avoir dans les règles de sécurité mise en œuvre par l’entreprise ou dans ses déplacements s’il prend les transports en commun.

Ellisphere a intégré dans sa démarche l’ensemble de ses éléments :

  • En rappelant aux managers des fondamentaux du management à distance et de la gestion de crise
  • En adaptant sa communication aux situations de chacun et dans le temps
  • En sondant très régulièrement l’ensemble de ses collaborateurs et managers sur leur situation et leur ressenti
  • En s’engageant dans une démarche de concertation forte avec les IRP
  • En assurant une gouvernance renforcée de la situation pour une totale cohérence des mesures prises pour que la ligne d’instruction soit claire et comprise.
  • En engageant d’ores et déjà la réflexion sur l’après.

 

Rappelons-nous que dans certaines langues dont le chinois le mot crise évoque à la fois le fait de subir une attaque et d’avoir une opportunité. Nous avons cette capacité à rebondir et à regarder vers de nouveaux horizons, et là encore la résilience de nos équipes est la clé. Les valeurs humaines de l’entreprise, qui permettent d’associer efficacité et bienveillance, trouvent ici tout leur sens.