Patrik Hantzsch

Head of Economic Research chez CreditReform

Emmanuel Delaporte

Emmanuelle Delaporte

Chargée de Développement International chez Ellisphere

À quelles difficultés font actuellement face les entreprises allemandes et françaises ?

Creditreform : l’économie allemande est actuellement confrontée à une récession. Contrairement à la crise financière de 2008, ce n’est pas un événement singulier, mais plutôt une accumulation de causes diverses qui affectent les entreprises allemandes. Après plus de deux ans de pandémie, les acteurs allemands ont échappé aux pires effets du coronavirus.

Cependant, le conflit russo-ukrainien est venu ajouter de nouvelles difficultés pour l’économie allemande. À cela viennent s’ajouter d’autres conflits économiques internationaux (tensions Chine/USA) qui ont créé des tensions sur le marché international.

De plus, l’inflation et les hausses des coûts des matières premières et de l’énergie qui persistent, chahutent fortement les chaînes d’approvisionnement. La hausse des taux d’intérêt et les nouvelles obligations réglementaires viennent également mettre les entreprises allemandes sous pression.

Enfin, on observe un changement structurel retardé qui se traduit par une digitalisation insuffisante des PME et une pénurie de travailleurs qualifiés qui tend à se transformer en pénurie générale de personnel.

Ellisphere : du côté des entreprises françaises, l’objectif principal pour les années à venir sera de maintenir leur liquidité au niveau de 2021. Au vu du contexte actuel, cet objectif sera toutefois difficile à tenir pour la plupart d’entre elles. En effet, le remboursement des Prêts Garantis par l’Etat (PGE), les tensions sur les approvisionnements, les hausses de prix contribuent à mettre les trésoreries sous forte tension.

Les entreprises françaises évoluent aujourd’hui dans un climat de crise devenu quasi-permanent. Par ailleurs, si la crise sanitaire a permis d’accélérer la digitalisation des organisations, celle-ci sert de terreau à de nouvelles typologies de risque : le risque cyber.

Le conflit russo-ukrainien a également accentué les crises liées aux coûts des ressources énergétiques. Avec les difficultés d’approvisionnement et de recrutement, les entreprises n’arrivent pas à faire face à la demande. Les entreprises françaises sont ainsi amenées à se tourner vers l’étranger pour pallier la pénurie de candidats.

D’autre part, des mouvements sociaux comme la grève des raffineries en France sur le dernier trimestre 2022, sont venus pénaliser l’activité des entreprises françaises, notamment du bâtiment, qui ont ainsi dû faire face à des retards de prestations, à des difficultés de livraison de matériaux, voire même à des fermetures pures et simples de chantiers.

Enfin, la crise climatique est certainement l’enjeu majeur auquel les entreprises doivent répondre aujourd’hui. En effet, celles-ci doivent repenser leurs pratiques dans le but de répondre aux exigences des consommateurs, de leurs collaborateurs ainsi que de leurs clients.

En tant que fournisseur d'informations sur les entreprises, comment avez-vous répondu aux besoins des entreprises liés à ces nouveaux enjeux ?

Creditreform : les marchés volatils et les conditions évolutives pour les entreprises sont de véritables défis pour un fournisseur de services d’informations économiques. Nous devons adapter nos projets actuels, et proposer des prix et des nouveaux produits et services.

Par exemple, Creditreform développe ses produits de renseignements et répond aux exigences des entreprises et des prestataires de services financiers qui souhaitent aussi avoir accès à des informations et des indicateurs liés aux critères ESG.

Ellisphere : face aux conséquences de la crise sanitaire sur l’activité des entreprises, l’analyse du risque client s’est complexifiée. Ellisphere a complété son score de probabilité de défaillance des entreprises par un indice de résilience.

La prise en compte des nouveaux chocs économiques impose de faire évoluer la méthodologie existante afin de mieux anticiper les difficultés à venir. L’indice de résilience d’Ellisphere repose donc sur un indicateur financier et un indicateur sectoriel. Cette méthodologie impose une rigueur accrue à nos experts qui suivent l’évolution des toutes les variables en temps réel.

Comment voyez-vous l'avenir ?

Creditreform : malgré l’augmentation de la disponibilité des données avec l’open data, il est nécessaire de s’assurer de leur qualité. De plus, nous devons également réfléchir à la collecte et au traitement des données ciblées pour répondre aux nouvelles exigences des entreprises et de la réglementation.

La connaissance de la situation spécifique par secteur d’activité et par zone géographique des entreprises prendra de plus en plus d’importance pour obtenir un résultat satisfaisant afin de répondre aux enjeux des entreprises.

Ellisphere : avec l’open data, les informations sont devenues accessibles par tous, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la qualité. La collecte, la vérification et l’analyse, l’enrichissement éventuel et la validation des informations nécessite des procédures et expertises extrêmement exigeantes. Seuls des prestataires d’information comme Ellisphere sont en mesure de répondre à ce traitement très spécifique qui concoure à générer une data fiable à très forte valeur ajoutée, carburant de tout credit manager désireux de prendre des décisions éclairées.

Enfin, au-delà de la data financière, les crises successives ainsi que plus généralement l’évolution sociétale ont accéléré la prise de conscience des entreprises en matière de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). A ce titre, les données extra-financières deviennent également des éléments incontournables dans notre évaluation des acteurs économiques. Ici encore, l’expertise d’un prestataire d’information est indispensable pour anticiper les enjeux et développer de nouveaux services.