À fin mars 2022, sur 12 mois glissants en France métropolitaine, on comptait 29 501 ouvertures de redressement judiciaire et liquidation judiciaire directe ainsi que 713 procédures de sauvegarde. Ces défaillances et procédures de sauvegarde ont menacé respectivement, pas moins de 83 029 et 26 572 emplois.

Un contexte économique dégradé à la fin du premier trimestre

Avec la crise Covid-19 et les récents événements en Ukraine, les indicateurs économiques se dégradent lentement mais sûrement. Les dernières projections de la Banque de France font osciller la croissance du PIB français entre 2,8 et 3,4% après l’effet de rattrapage de 7% en 2021. La production industrielle qui a reculé en février 2022 reste toujours inférieure à celle de 2019, de l’ordre de 4%. Des inquiétudes viennent également de la consommation des ménages, tandis qu’en mars 2022 les prix à la consommation augmentent de 4,5% en rythme annuel selon l’Insee, un record depuis 1985.

La hausse des prix de l’énergie, pétrole et gaz en particulier, pèse plus lourdement sur les dépenses contraintes, tant sur celles des particuliers impactant leur pouvoir d’achat, que sur celles des entreprises dont la profitabilité s’obère. Avec la baisse des mesures d’aides sociales, fiscales et financières accordées aux entreprises au plus fort de la crise Covid-19, ainsi qu’avec un retour à la normale de l’activité des greffes, le nombre de défaillances (redressements judiciaires et liquidations judiciaires directes) augmente nettement en France métropolitaine – un mouvement entamé depuis décembre 2021.

Remontée des défaillances sur 12 mois et au 1er trimestre 2022

Sur les 12 derniers mois à fin mars 2022, la progression est de 7,2% par rapport à la même période 2020-2021. Après avoir atteint un plancher en 2021 de 27 000 procédures d’ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire auprès des greffes, le nombre de défaillances est donc reparti à la hausse pour atteindre 29 500 jugements à fin mars 2022 sur 12 mois glissants. Cette évolution s’accompagne également d’une augmentation des emplois menacés, avec 83 000 postes concernés contre 78 500 à fin 2021.

L’impact de l’allégement progressif du soutien étatique aux entreprises a commencé à se faire sentir à compter de décembre 2021 ; il s’est confirmé sur le premier trimestre 2022. Si pour l’heure, le nombre de défaillances du premier trimestre reste inférieur d’un tiers à celui de 2019, il progresse de 34% par rapport à celui de 2021. La typologie des entreprises défaillantes reste identique. Il s’agit de TPE à près de 91%, et d’exploitants en sociétés commerciales à 83,4%. Plus de 30% des entreprises sont âgées de 5 à 10 ans. Toutefois, les entreprises de moins de 5 ans sont largement mises à mal par les deux dernières années de crise, et en particulier par l’impossibilité pour celles de moins de trois ans d’existence d’avoir eu accès aux aides comme les Prêts Garantis par l’État (PGE).

« Après deux exercices au plus bas niveau, les défaillances d’entreprise se sont ainsi, et sans surprise, accentuées début 2022 ; une augmentation du nombre de procédures collectives qui renoue avec une certaine normalisation de l’économie. Fin des aides, emballement des prix del’énergie sont autant de facteurs qui ont favorisé ce réamorçage des défaillances. »

— Max Jammot, Responsable du Pôle Économique chez Ellisphere

Max Jammot

De nets rebonds des procédures collectives à la fin du premier trimestre pour l’ensemble des secteurs

Côté secteurs d’activité, la majorité des secteurs étudiés (18 sur 22) enregistre désormais une hausse du nombre de défaillances. A fin mars 2022, le trio de tête reste inchangé : Bâtiment et Travaux Publics (BTP), Services aux particuliers et Services aux entreprises qui représentent plus de 53% des ouvertures sur les 12 derniers mois, dont plus d’un quart pour le seul BTP. Certains secteurs d’activité sont visiblement plus à la peine que d’autres avec des augmentations supérieures à 20% sur un an. C’est le cas des Moyens de transport (+ 21%) où les fabricants, sous-traitants et revendeurs de véhicules de transports tels que la voiture, traversent une tempête sans précédent, cumulant hausses des prix des approvisionnements en amont et consommation atone en aval. Ainsi en mars 2022, les ventes de voitures neuves en France ont été historiquement faibles alors que le marché de l’occasion qui résistait encore est lui aussi orienté à la baisse.

Autre victime actuelle de la crise, le secteur Informatique et électronique (+ 22% du nombre de défaillances) qui se retrouve au centre des turbulences qui frappent le marché des composants électroniques. Les professionnels des Biens d’équipements industriels (+ 23% du nombre de défaillances) souffrent le plus de la frilosité des investissements dans l’industrie dont les marges de manœuvre financières ont été réduites par la crise.

procédures collectives T1

Dans le contexte économique actuel et avec l’augmentation du nombre de redressements judiciaires et liquidations judiciaires directes, on peut s’étonner d’un recours toujours aussi faible à la procédure préventive de la sauvegarde. Avec 713 ouvertures sur les 12 derniers mois à fin mars 2022, l’appel à cette procédure recule de 4,2%. Faut-il y voir l’effet des nombreux reports de charges fiscales et sociales qui ont éloigné d’éventuelles difficultés à court terme ? Et/ou de l’impact des Prêts Garantis par l’État donnant un peu de liquidité aux entreprises, en attendant les premières échéances de remboursement des nouvelles dettes contractées… ?

Dans les faits, le recours à la procédure de sauvegarde touche souvent des entreprises de plus grandes tailles : 29,5% de PME et ETI contre 9,3 % pour les redressements judiciaires (RJ) et liquidations judiciaires (LJ) directes. Cette procédure concerne également des entreprises plus anciennes : 51% de plus de 10 ans contre 38,2% pour les RJ/LJ, et toujours essentiellement des sociétés commerciales 84,7% des entités concernées.

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