La conformité a toujours reposé principalement sur des personnes. Le poids de la réglementation pour les institutions financières au cours de la dernière décennie n’a cessé d’augmenter, entraînant une forte augmentation de la demande de professionnels de la conformité.

Pour faire face à ces enjeux, les entreprises n’ont pas eu d’autre choix que de recruter de plus en plus de personnel en charge de la conformité afin de faire face aux contraintes réglementaires croissantes.

 

Un recours aux nouvelles technologies indispensable

Cependant, cela n’a pas permis de diminuer le nombre des amendes adressées par les superviseurs. De nouveaux records sont battus à chaque nouvelle brèche réglementaire identifiée chez une Institution Financière (IF). Les limites de l’humain étant atteintes, l’aide de la technologie se révèle donc nécessaire.

Les institutions financières et les régulateurs ont compris qu’en exploitant le pouvoir de la technologie, et plus particulièrement ceux de l’intelligence artificielle (IA) et du machine learning, une part considérable de la fonction de conformité pouvait, en réalité, être automatisée. Cette évolution a donc permis de réduire les contraintes réglementaires des institutions et des professionnels de la conformité.

 

Les enjeux de l’IA pour le secteur financier

Les enjeux de l’IA pour le secteur financier sont vitaux. Il ne faut surtout pas prendre de retard. Pour répondre à ceux-ci, l’ACPR a lancé une consultation publique en 2018 (cf. réponses à consultation) auprès de différents acteurs (banques, assurances, fintechs, banques centrales étrangères…).

Cette consultation s’est intéressée, en autres, aux enjeux à destination des superviseurs tels que la gouvernance et l’« explicabilité » des algorithmes ou les avantages des techniques d’intelligence artificielle pour l’exercice de leurs propres missions à travers les Suptechs (supervisory technologie).

Quelle communication entre les superviseurs et les institutions financières ?

Dans ce cadre, nous pouvons considérer que la relation entre les superviseurs et les institutions financières (IF) est essentielle pour la stabilité du système financier. L’exploitation de l’IA dans les « Suptech » représente donc un élément majeur de cette relation.

Elle pourra en effet aider les IF à se conformer à leurs exigences réglementaires en réduisant les règles de reporting dépendant de l’interprétation humaine et qui peuvent représenter des sources d’erreur certaines.

 

Les prémisses d’une évolution : le « Digital Regulatory Reporting » anglais

Concrètement, un projet de ce type a déjà été mené au Royaume-Uni. Il a été piloté par la Financial Conduct Authority (FCA), en collaboration avec la Bank Of England et un certain nombre d’organismes financiers. Le projet s’intitule « Digital Regulatory Reporting » (DRR).

Ce programme « pilote » conçu pour évaluer les avantages du reporting lisible par une machine (machine-readable) et explorer comment la technologie (réseaux de neurones récurrents et le web sémantique) peut aider les institutions financières dans leurs relations avec le régulateur.

 

Un contexte complexe

Au Royaume-Uni, la gestion manuelle du reporting est une charge très lourde et complexe pour le superviseur, avec plus de 20 000 règles et 58 000 entreprises. Ce chiffre n’a de cesse de croitre. Les institutions financières doivent également interpréter les règles et les données nécessaires par leurs propres moyens.

Ainsi, lorsque le superviseur leur demande des données, les différences d’interprétation mènent souvent à de la confusion voir de l’inefficacité. Cela a des conséquences assez coûteuses en termes de temps et d’argent.

 

Quelles finalités ?

L’objectif général de ce projet est de réduire le temps et les coûts nécessaires à l’interprétation et à la mise en œuvre des nouvelles exigences en matière de rapports. L’autre objectif ciblé vise à réduire le nombre de rapports réglementaires individuels que les entreprises doivent produire.

Pour ce faire, la FCA a étudié la manière dont un cadre réglementaire lisible par une machine peut interagir avec un langage normalisé et mappé sur des données sources. Elle utilise des technologies web sémantiques pour identifier l’approche la plus appropriée à la spécification des données.

 

Une automatisation balbutiante mais fonctionnelle

La FCA a déjà prouvé que le concept fonctionnait bien. Le régulateur a d’ailleurs annoncé qu’il avait appliqué avec succès la technologie de lecture automatique à deux réglementations différentes. L’une est basée sur des exigences de fonds propres et l’autre, sur des critères de prêt hypothécaire.

Pour l’avenir, la FCA prévoit d’élargir la portée du projet en 2019 et d’appliquer la technologie à un plus grand nombre de réglementations. Cela constitue un développement intéressant pour le secteur.

 

Que retenir ?

La communication entre les superviseurs et les institutions financières est un sujet complexe. D’une part, des réglementations sont nombreuses, complexes et parfois sujettes à interprétation. D’autre part, les assujettis sont contraints à des obligations de reporting nombreuses et détaillées.

On observe que la gestion manuelle atteint ses limites. La nécessité de recourir à des RegTech/ LegalTech qui utilisent des technologies basées sur l’IA et du machine learning devient donc vitale.

L’expérience de la FCA, même si elle est limitée, prouve que l’on peut y arriver. Bien sûr, l’intervention humaine est primordiale pour la validation. L’IA permet d’éviter toutes les tâches répétitives n’ayant aucune plus-value. Elle permet donc à l’humain de se consacrer à des tâches à plus fortes valeur ajoutée.