Après une année 2020 très délicate, 2021 a été marquée par un lent retour au niveau d’activité d’avant crise. Au 1er semestre, encore impacté par les restrictions sanitaires, a succédé un second exercice en nette amélioration (principalement en raison d’un regain d’activité sur le littoral durant l’été puis sur Paris en fin d’année) ; situation néanmoins hétérogène selon les départements et les périodes constatées.

2022 s’annonce sous de meilleurs auspices, malgré la menace d’une nouvelle vague (Covid-19) à la rentrée de septembre et d’un enlisement probable du conflit russo-ukrainien.

Cette embellie a d’ailleurs été actée par ACCOR, le leader européen de l’hôtellerie, qui a publié un chiffre d’affaires de 701 M€ au 1er trimestre 2022 (en hausse de 85 % en données comparables par rapport au 1er trimestre 2021).

Au-delà de cette amélioration, il nous faut néanmoins garder à l’esprit que le PIB de la France a stagné au premier trimestre 2022, avec une croissance nulle. Ainsi, la hausse généralisée des prix a fortement pesé sur les ménages dont la consommation s’est fortement contractée. Pour l’Insee, cette stagnation tient à un recul de la demande des ménages plus fort qu’attendu : -1,3% au premier trimestre 2022, contre + 0,6% au quatrième trimestre 2021. Confrontés à l’inflation ainsi qu’à la menace d’un conflit aux portes de l’Europe, les foyers ont fortement réduit leurs dépenses dans l’Hôtellerie-Restauration (– 5,3% après + 0,9%).

Sur cette période, bon nombre d’hôteliers et restaurateurs ont constaté que le volume de leur activité a dépassé le niveau de l’an dernier ; tout en craignant une rentrée de septembre plus délicate (éventuel retour de la pandémie). L’équilibre est donc précaire…

Dans ce contexte très singulier, les dilemmes auxquels est confronté le secteur sont multiples. En effet, comment conjuguer hausse du prix des matières premières, de l’énergie, des transports, des emballages… Avec la satisfaction des clients, et celle des salariés en attente de hausses de salaire significatives. Les défis sont nombreux avec l’augmentation des prix finaux pour la clientèle, la problématique liée au recrutement et à la crise des vocations (constatées depuis longtemps), le déficit de logements pour les saisonniers… Sans oublier en toile de fond, le pouvoir d’achat des Français fortement mis à mal ces derniers mois.

 

Emploi : une offre pléthorique qui ne trouve pas preneur

La difficulté d’attirer des talents dans le secteur Hôtellerie-Restauration est bien réelle. Le patronat, en accord avec les organisations syndicales, a récemment acté une augmentation de salaire de 16,33 % en moyenne, dans la restauration. Pour autant cela suffira-t-il ?

Nombreux sont les restaurateurs qui espèrent que cette nouvelle grille de salaires permettra d’attirer la jeune génération vers un métier qui a de plus en plus de mal à recruter. Rémunérés au SMIC, certains salariés devraient désormais toucher un salaire 5% plus élevé que le salaire minimum (de l’ordre de 60 euros).

Pour sa part, le gouvernement a annoncé une défiscalisation des pourboires réglés par carte bancaire. Un coup de pouce peu conséquent qui ne saurait faire oublier la problématique de la pénibilité et des horaires décalés…
Beaucoup de restaurateurs s’accordent à dire qu’avec la crise sanitaire et les difficultés de recrutement, il n’est pas toujours facile de rémunérer les salariés à leur juste valeur. Métier physique avec des horaires à rallonge, les salariés sont souvent contraints d’accepter un rythme de vie loin d’être évident à gérer. Entre les coupures, les heures supplémentaires, ils doivent s’adapter en permanence à l’irrégularité des flux de clientèle.

Autre problématique de taille : trouver un logement saisonnier (particulièrement dans les stations balnéaires) devient quasi mission impossible. Compte tenu des prix des locations qui se sont envolés et des salaires relativement bas, quelques rares employeurs proposent encore une solution à leurs travailleurs saisonniers.
Mais faute de logements disponibles, nombreux sont ceux qui renoncent à recruter, perdant ainsi un potentiel de chiffre d’affaires…

Un autre impact indirect à prendre en compte : le télétravail, toujours largement pratiqué, a privé la restauration d’un nombre non négligeable de clients, phénomène plus ou moins marqué selon les jours de la semaine.

Que dire de ces 120 000 postes vacants dans la restauration ? Nombreux sont ceux qui se sont détournés du secteur vers d’autres métiers pour lesquels la pénibilité est moindre et les salaires plus importants. De moins en moins de candidatures parviennent aux restaurateurs… Ainsi, le manque de personnel rime hélas souvent avec perte de chiffre d’affaires.

Dans cet environnement où les candidats se font de plus en plus rares dans l’Hôtellerie-Restauration, l’ouverture des négociations entre la France et la Tunisie suscite une certaine polémique…

 

L’inflation du prix des matières premières n’épargne pas le secteur

D’autres facteurs aggravent la situation. Le prix des matières premières dans leur ensemble n’a jamais été aussi haut depuis plus de 10 ans.

Les industries alimentaires font face à des défis importants… De nombreuses tensions impactent les marchés d’approvisionnement en matières premières agricoles et industrielles. À ce contexte s’ajoutent les incertitudes du conflit russo-ukrainien. L’indice des prix de l’ensemble des matières premières en euros a augmenté de plus de 35 % sur la période 2010-2021… Tout ceci pouvant altérer durablement la santé économique du secteur.

Les derniers chiffres de l’Insee montrent que l’année écoulée est marquée par une forte augmentation du prix des matières premières alimentaires (+41 % sur les 12 derniers mois). Le cours des huiles, du poisson, de la farine, de la volaille (grippe aviaire actuellement) s’envole. Un casse-tête pour les professionnels de la restauration qui doivent maintenir des budgets à l’équilibre sans pour autant dissuader la clientèle par une pratique haussière de tarifs.

Ainsi, en 2021, les augmentations de prix ont été considérables : la viande (+ 44,5 %), les produits de la mer (+ 39,5 %), les oléagineux (+ 24,8 %). Le prix des céréales a augmenté de 27,2 % par rapport à novembre 2020 ; le prix du maïs et du blé a évolué avec des hausses similaires. Le prix des produits laitiers a augmenté de 1,8 % en décembre et sur l’année, de 17,4 % par rapport à 2020. Et que dire du sucre avec + 11,3 % en 2021. N’oublions pas le prix de la pâte à papier qui a progressé de 12 % en décembre et de 33 % sur l’année 2021. Ces hausses sur les produits d’emballage, conjuguées avec celles des matières industrielles, témoignent de la tension qui existe en ce début d’année 2022. Dans le secteur de l’emballage, tous les produits ont enregistré des hausses de prix, notamment les emballages en matière plastique (+ 20 %) et en carton (+18 %). Par ailleurs, le prix de l’aluminium a augmenté de 24 % selon les chiffres de la London Metal Exchange (LME).
In fine, sont donc impactés les conditionnements, emballages, prospectus… Utilisés par les professionnels du secteur.

 

Choisir les bons circuits de fournisseurs est plus que jamais vital

Dans ce contexte, le choix des fournisseurs et le sourcing doivent être revus. L’approvisionnement s’avère être en effet une étape cruciale pour la pérennité d’un restaurant, en intégrant les démarches essentielles : sélection des fournisseurs, prévisionnel de commandes, ordres auprès des fournisseurs, suivi, contrôle des livraisons à réception (quantité, qualité sanitaire…).  D’ordinaire, les grossistes, les marchés de gros tels que le Min de Rungis, les enseignes professionnels (Promocash, Métro…), les marchés, les coopératives, les plateformes en ligne demeurent les principaux interlocuteurs du restaurateur. Ainsi, particulièrement depuis le premier confinement, le recours à un approvisionnement plus local s’est amplifié… Ainsi, les partenariats avec des éleveurs, maraîchers, agriculteurs se développement de plus en plus.

Tout ceci devrait également pousser les restaurateurs à repenser leur carte en fonction de la saisonnalité et de produits de remplacement (susceptibles de se substituer à d’autres, devenus difficilement accessibles), sous peine de mettre l’exploitation d’un restaurant en difficulté.

Qui encaissera ce choc inflationniste ? Le client, l’hôtelier-restaurateur, l’Etat ou les trois à la fois ?

Face à l’inflation énergétique causée par la guerre en Ukraine, le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour amortir le choc… 30 milliards d’aides.  Il semble impensable de pouvoir renouveler un tel niveau de contribution chaque année. Un chiffre attire l’attention : 2813,1 milliards d’euros. Tel est le montant de notre dette publique, à la fin du mois de décembre 2021, soit 112,9% du PIB.  En valeur absolue, cette dette s’est alourdie de près de 165 milliards d’euros !

En avril dernier, les prix à la consommation ont augmenté de 0,4% sur un mois et de 4,8% sur un an. L’inflation pourrait atteindre 5% en mai, puis 5,4% en juin. Les prix alimentaires sont attendus en très forte hausse : + 6,3% en juin. En l’absence du bouclier tarifaire et de la remise de 18 centimes sur le prix du carburant, l’Insee a estimé que l’inflation aurait dépassé les 7% sur un an, sur le mois en cours.

 

La marge opérationnelle étant devenue faible, économiser ne suffit plus pour bon nombre de professionnels qui se voient donc contraints d’augmenter leurs tarifs ; les clients également contraints dans leur pouvoir d’achat semblent à ce jour compréhensifs.

L’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie affirme qu’un quart des cafés restaurants a augmenté ses prix. Toujours selon l’UMIH, 81% des professionnels préfèrent une baisse de la fiscalité, notamment la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), à une aide financière.

Aujourd’hui, la priorité semble être de trouver un juste équilibre dans un contexte considérablement dégradé : comment continuer à investir tout en remboursant les PGE, et en créant de la valeur ajoutée afin d’assurer la pérennité de leurs entreprises. Difficile équation à résoudre pour le secteur de l’Hôtellerie-Restauration.