L’accentuation des sanctions économiques contre la Russie a accéléré les tendances déjà engagées sur le cours des matières premières, déjà mis à mal par deux ans de pandémie de Covid-19… De nouveaux records historiques ont ainsi été enregistrés sur les marchés.

 

Les métaux touchés de plein fouet par la crise ukrainienne

Le cours de l’aluminium qui avait déjà augmenté de plus de 70 % sur un an (redémarrage de la demande mondiale, mais également instabilité politique de la Guinée) a poursuivi sa progression, se rapprochant ainsi de son record historique (juillet 2008, 3 380 dollars la tonne). Compte tenu du conflit actuel, les fortes inquiétudes liées à l’approvisionnement n’ont fait que renforcer cette tendance haussière.

Le titane n’échappe pas à cette explosion des prix. Ce métal dont la Russie est le premier producteur mondial est source d’inquiétude pour bon nombre d’acteurs du secteur aéronautique. En effet, si l’on part du principe que le russe VSMPO-AVISMA qui détient un peu moins de 30 % du marché mondial, soit lié par contrats à AIRBUS, SAFRAN ou encore BOEING, on comprend mieux l’ampleur du problème. Au demeurant, le constructeur américain vient d’annoncer qu’il rompait ses relations avec le groupe russe ; une décision plus « simple » à prendre que ses confrères européens, compte tenu de l’importance de ses stocks et d’une importante production nationale.

A noter que tous les métaux connaissent une flambée : or, cuivre, nickel… L’industrie mondiale des semi-conducteurs, déjà sous forte tension depuis 2 ans (pandémie), craint également des ruptures de matières premières telles le néon ou encore le palladium… Lesquelles proviennent principalement d’Ukraine et de Russie.

 

Les énergies au cœur des préoccupations mondiales

Et que dire du gaz dont le prix explose… ? Et dont la Russie fournit 40 % des importations européennes. Mis en place jusqu’au 30 juin prochain en France, le bouclier tarifaire pour les particuliers devrait être exceptionnellement prolongé jusqu’à la fin de l’année, afin de contenir cette hausse des prix, et soutenir le pouvoir d’achat des ménages, déjà fortement mis à mal par la hausse des carburants.

 

Les prix des carburants affichent par ailleurs une progression affolante depuis plusieurs semaines, avec un bond spectaculaire du prix du gazole, dont le seuil mythique de 2 euros a déjà été atteint. A ce titre, comment les transporteurs français, mais également européens, vont-ils pouvoir absorber une telle augmentation des tarifs sachant que le poste carburant est de loin le plus important avec celui des salaires (chauffeurs) ? À court terme, le prix des énergies risque de plomber durablement la trésorerie, et de mettre ainsi en danger bon nombre de structures du secteur des transports.

Et rien ne vient infléchir cette envolée de l’or noir. La Russie, deuxième exportateur mondial, est au centre de toutes les préoccupations avec deux scénarios majeurs envisagés : Moscou suspend son approvisionnement à l’Occident ou ce dernier cesse de lui-même ses importations. Dans les deux cas, l’impact sur l’économie mondiale sera dévastateur, sachant qu’un prix de 3 euros le litre est d’ores et déjà évoqué… Sans compter que le dollar est reparti à la hausse alors que les achats de pétrole s’effectuent dans cette devise…

Face à cette explosion des prix de l’énergie, le gouvernement français a prévu de dépenser près de 22 milliards d’euros en mesure de soutien au pouvoir d’achat.

 

Des coûts qui explosent pour les matières premières et qui font craindre un risque de pénurie

Le conflit russo-ukrainien fait également planer le spectre d’une pénurie mondiale pour de nombreuses denrées alimentaires. L’Ukraine, grenier de l’Europe, a vu l’activité de ses exploitations agricoles stoppées ; ces dernières doivent être, au même titre que la chaîne logistique, partiellement endommagées, voire détruites.

Conséquence directe, ce conflit a déjà fait bondir le cours du blé et du maïs (l’Ukraine est le 4e exportateur mondial de maïs ; le pays fournit 45 % du marché européen). Le maïs, céréale la plus cultivée dans le monde, a vu son cours augmenter de 100 euros en une semaine… Peu probable, par exemple en France, que le cours du porc vienne compenser cette explosion du prix des céréales.  La situation de bon nombre d’exploitants agricoles français risque donc de s’aggraver dans les prochains mois, sachant également que le prix des engrais explose également sous l’envolée du prix du gaz (qui représente 80 % du coût de fabrication des intrants).

Quant au cours du blé, celui-ci atteignait près de 400 euros la tonne vendredi dernier contre 284 euros au mois de novembre 2021 !

Un dernier point sur le charbon. Le conflit actuel est en train de rebattre les cartes de la stratégie énergétique de l’Allemagne. Si le développement des énergies renouvelables demeure privilégié, le report de la sortie du nucléaire et du charbon est évoqué.

Le gouvernement fédéral cherche dans l’urgence à diversifier ses approvisionnements afin de contrer un éventuel arrêt des livraisons. Et à des degrés moindres, ce ne sera là, pas le seul pays d’Europe confronté à cette problématique énergétique.

Aucune embellie n’est attendue à court et moyen termes sur la hausse des coûts des matières premières. Ce choc majeur qu’est le conflit russo-ukrainien, implique pour beaucoup de pays européens, de revoir leurs approvisionnements. Une telle réorganisation stratégique sera néanmoins longue et douloureuse financièrement, particulièrement compte tenu du contexte de crise actuel.