La 10ᵉ édition des Assises des délais de paiement s’est tenue le 9 novembre 2023 dans les locaux de la Banque de France à Paris. Quelques points marquants à retenir de cette plénière.

Le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a débuté cette rencontre avec une note positive, soulignant les progrès dans la lutte contre l’inflation, visant à ramener celle-ci à 2%.

Il a également rappelé que la Banque de France avait dégradé la cotation FIBEN de 635 grandes entreprises en raison de non-respect des délais de paiement.

Les retards de paiement

En ce qui concerne les retards de paiement, la moyenne tous secteurs confondus s’établit à 14,5 jours, avec des disparités marquées entre les secteurs. La construction affiche un retard nettement supérieur à la moyenne nationale.

Les TPE et PME se distinguent positivement en matière de comportement de paiement, tandis que les retards de paiement persistent chez les Entreprises de Taille Intermédiaire et les Grandes Entreprises, dépassant la moyenne nationale.

Bien que le lien entre retard de paiement élevé et défaillance d’une entreprise n’ait jamais été avéré, une détérioration constante de ce retard est considérée comme un signal fort de tensions de trésorerie et, potentiellement, de mise en danger des entreprises.

Certaines entreprises font face à des tensions de trésorerie non intentionnelles, tandis que d’autres choisissent délibérément de mal payer pour améliorer leur propre trésorerie.

La ministre déléguée, chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, a annoncé que le gouvernement travaillait sur de nouvelles mesures afin d’éliminer les mauvaises pratiques, soulignant l’intensification du “Name & Shame” vis-à-vis des mauvais payeurs, à la sanction financière s’ajoutera dorénavant systématiquement la sanction réputationnelle.

Les procédures collectives

Jean-François Doucède, vice-président d’Infogreffe, s’est montré rassurant concernant l’évolution des procédures collectives.

Néanmoins, quelques inquiétudes sur la situation à venir :

  • une hausse de 22% d’entreprises identifiées en difficulté au 3ème trimestre 2023… Hausse qui pourrait s’amplifier avec le remboursement des PGE
  • une forte baisse du nombre de dépôts des comptes annuels (-19%).

Ces deux facteurs cumulés font peser une incertitude croissante dans la relation commerciale.

La facturation électronique

Malgré le report au 1er septembre 2026 de la généralisation de la facturation électronique, Nicolas Floriou, président de l’AFDCC, encourage vivement les entreprises à se mobiliser en urgence, soulignant l’ampleur considérable de la tâche. Bien que la facturation électronique ne soit pas une solution miracle pour éliminer les retards de paiement, il est évident qu’elle constituera un levier d’amélioration de la situation.

L’exemple de l’Italie, qui a rendu la facturation électronique obligatoire pour tous les acteurs privés entre 2018 et 2019, est significatif. Le retard de paiement moyen dans le pays est passé de 19 jours en 2018 à 17,5 jours en 2022. Cette réduction, bien que progressive, s’est maintenue dans un contexte similaire à celui de la France, marqué par la pandémie, l’inflation et une croissance modérée. Ainsi, l’Italie a pu briser son plafond de verre.

Et du côté de l’UE ?

Par quelques chiffres, Antonella Correra a illustré que le problème des retards de paiement est rencontré dans tous les pays européens. Elle a également exposé la proposition de l’Union Européenne (UE) visant à harmoniser les pratiques en matière de délais de paiement, et à réduire les retards.

Bien que certaines mesures de cette proposition soient jugées intéressantes, telles que le paiement automatique des intérêts et des compensations forfaitaires, ainsi que la formation, la principale mesure suscite une controverse. L’idée de plafonner le délai de paiement maximal à 30 jours, sans possibilité de dérogation, suscite l’inquiétude, voire le rejet de la part de différents acteurs économiques, dont notamment certaines fédérations professionnelles.

En cas d’adoption, cette obligation présenterait un risque tangible pour certains secteurs d’activité et aurait des conséquences sur les PME à court et moyen termes. À ce sujet, le Président de la CPME, François Asselin, a attiré l’attention sur une réglementation en vigueur aux Pays-Bas depuis le 1ᵉʳ juillet 2017, interdisant de dépasser un délai de paiement de 60 jours dans des situations spécifiques, notamment lorsqu’un contrat est conclu entre une grande entreprise agissant comme acheteur et une PME agissant comme fournisseur. Peut-être une piste intéressante pour rééquilibrer le rapport de force de la relation commerciale ?

INDICATEUR DE RETARD DE PAIEMENT EN FONCTION DES SECTEURS D’ACTIVITÉ EN FRANCE

Au 3ᵉ trimestre 2023
SECTEURS Retard moyen en nombre de jours
CONSTRUCTION 21,6
ACTIVITÉS DE SERVICES ADMINISTRATIFS ET DE SOUTIEN 19,2
SANTÉ HUMAINE ET ACTION SOCIALE 17,8
HÉBERGEMENT ET RESTAURATION 17,4
AGRICULTURE, SYLVICULTURE ET PÊCHE 17,2
PRODUCTION ET DISTRIBUTION D’EAU ; ASSAINISSEMENT, GESTION DES DÉCHETS ET DÉPOLLUTION 16,5
TRANSPORTS ET ENTREPOSAGE 16,4
ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES, SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES 15,8
PRODUCTION ET DISTRIBUTION D’ÉLECTRICITÉ, DE GAZ, DE VAPEUR ET D’AIR CONDITIONNÉ 15,7
ENSEIGNEMENT 15,7
INFORMATION ET COMMUNICATION 15,2
ARTS, SPECTACLES ET ACTIVITÉS RÉCRÉATIVES 14,9
ACTIVITÉS IMMOBILIÈRES 13,9
AUTRES ACTIVITÉS DE SERVICES 13,5
INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE 12,9
INDUSTRIES EXTRACTIVES 11,8
COMMERCE ; RÉPARATION D’AUTOMOBILES ET DE MOTOCYCLES 11,1
TOUS SECTEURS 14,5

PayTREND (indicateur d’Ellisphere) : indicateur de retard de paiement moyen en nombre de jours de factures réglées et non réglées après échéance

Voir l’intervention d’Alain Luminel, responsable du pôle expertise financière chez Ellisphere, lors des Assises de délais de paiement et des financements 👇👇👇