Même si le remboursement des Prêts Garantis par l’Etat (PGE) a été prolongé jusqu’en 2026, les tensions de trésorerie enregistrées chez certaines entreprises sont préoccupantes… Avec en ligne de mire un risque d’illiquidité accru des acteurs économiques . D’autant que les mesures visant à réduire le déficit de la France, les tensions géopolitiques sur fond de ralentissement de l’économie mondiale et d’amplification du défi environnemental durcissent la situation.

Des nuages qui s’amoncellent

L’année 2024 s’annonce donc difficile pour bon nombre d’entreprises françaises, impactées par une inflation qui, si elle ralentit, persiste toujours. Même si, globalement, les acteurs économiques font preuve dans leur ensemble d’adaptabilité et de bonne résistance face aux aléas, certaines catégories d’entreprises sont davantage vulnérables : les TPE demeurent structurellement très fragiles et les tensions au sein des PME, en proie au triptyque inflation, matières premières, énergie restent importantes.

Beaucoup d’organisations se sentent d’ores et déjà menacées à court terme. Nombre d’entre elles tentent ainsi d’optimiser encore davantage leurs charges et leurs coûts, notamment ceux liés à l’énergie. D’autres reportent des investissements pourtant nécessaires à leur développement, hypothéquant ainsi toujours plus la pérennité de leur activité. Dans ce contexte, les prévisions de croissance française pour 2024 ont été récemment revues à la baisse pour atteindre dorénavant 1%. Sachant que certains des plus importants partenaires commerciaux de la France comme l’Allemagne sont officiellement entrés en récession depuis l’an dernier.

L’illiquidité des entreprises, un risque majeur

Le remboursement du service annuel de la dette reste une préoccupation majeure chez les dirigeants d’entreprise. La restructuration de la dette devient une nécessité dans des secteurs d’activité pour lesquels les marges se réduisent. La forte augmentation des procédures de sauvegarde sur les deux premiers mois de l’année 2024 n’est pas étrangère à cette situation : 247 ouvertures de procédure ont été enregistrées contre 218 ouvertures en janvier et février 2023 ; l’augmentation est de +13,3% et concerne de grosses PME.

Dans le cadre d’une gestion préventive des risques en credit management, il est par conséquent primordial de suivre le niveau d’endettement de ses tiers. Cette surveillance doit permettre aux opérationnels du risk management de pouvoir qualifier davantage leur portefeuille client en anticipant un éventuel risque d’illiquidité de leurs relations d’affaires. L’utilisation d’un indicateur sur l’endettement s’inscrit dans cette logique. Cet outil doit matérialiser la vision sur l’entreprise via 4 marqueurs : niveau de la dette nette par rapport aux capitaux propres ; capacité de remboursement ; accroissement ou pas du risque de liquidité lié au remboursement du service annuel de la dette ; dynamisme de la marge brute d’exploitation par rapport au secteur d’activité.

Un faiblissement inquiétant du dynamisme entrepreneurial

En France pour l’année 2023, l’Indice de Dynamisme Entrepreneurial d’Ellisphere (rapport entre les créations et disparitions d’entreprise) calculé pour les sociétés commerciales est de 1,4 contre 1,6 en 2022, et 1,7 en 2021. Le dynamisme entrepreneurial faiblit donc depuis deux ans, impliquant un moindre renouvellement de la population de sociétés commerciales en France. Les prévisions d’Ellisphere pour 2024 confirment une poursuite de cette évolution baissière avec un indice à 1,3 en fin d’année ; nous retrouvions ainsi le niveau de… 2019.

Ce faiblissement du dynamisme entrepreneurial cache une autre réalité plus inquiétante. 192 000 entreprises commerciales ont disparu en 2023. Or, 22,3% de ces disparitions étaient le fait de liquidations judiciaires ; il s’agit ici du plus mauvais résultat enregistré depuis 2015.

Parallèlement, le nombre de créations d’entreprise baisse de -5,7% en 2023, résultat toutefois à nuancer au vu du nombre de créations particulièrement élevé en 2021 et 2022. Ces deux dernières années, la baisse de l’Indice de Dynamisme Entrepreneurial est donc essentiellement porté par l’augmentation très significative des disparitions d’entreprise.

Focus sur l’Île-de-France

En 2023, la tendance francilienne suit celle de la France entière avec une baisse du nombre de créations accompagnée d’une augmentation significative des disparitions d’entreprise, donnant un indice de dynamisme entrepreneurial de 1,4 comme au plan national. Pour 2024, les prévisions d’Ellisphere tablent sur une nouvelle dégradation de l’indice qui se positionnerait à 1,3 création pour 1 disparition d’entreprise.

Les résultats des deux premiers mois de l’année éclairent cette tendance avec +42,9% de procédures collectives (ouvertures de redressement judiciaire, liquidation judiciaire directe et procédure de sauvegarde) en janvier 2024 par rapport à janvier 2023, soit 1 409 entités concernées. En février, la région enregistre une augmentation de +34,4% des ouvertures de procédure collective, soit 1 396 entreprises. La part des liquidations judiciaires directes sur l’ensemble de ces procédures reste extrêmement importante, 81,2% en janvier et 80,46% en février.

En Île-de-France, les secteurs d’activité les plus touchés par les procédures collectives début 2024 sont Bâtiment & travaux publics, Textile, habillement et cuir ou encore les services aux particuliers ou aux entreprises. Sur les deux premiers mois de l’année, 12 entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 10 millions d’euros ont fait l’objet d’une ouverture de procédure collective ; cette tendance interroge.