La thématique de la durabilité traverse le monde de l’entreprise et s’accélère. Elle invite les entreprises à se poser la question sur leur raison d’être ou leur mission conjuguant profitabilité et durabilité. Une solution française, l’entreprise à mission.

 

L’entreprise à mission, un modèle d’entreprise attaché au bien commun

Les termes de durabilité, développement durable ou encore création de valeur durable sont de plus en plus repris par le monde des entreprises sur le thème de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Une entreprise est considérée durable lorsqu’elle souscrit aux principes de l’efficience économique, de l’équité sociale et de la responsabilité environnementale, sans compromettre la capacité des générations futures.

Pour mettre en place cette vision, elles innovent et apportent des solutions nouvelles concernant le changement climatique, mais aussi la préservation de la biodiversité ou encore la cohésion sociale.  Dans cet état d’esprit, les entreprises françaises ont la possibilité d’exprimer leur attachement à cette vision durable, en s’engageant dans un cadre de « raison d’être » ou de « mission » mis en place par la loi Pacte via les entreprises à mission.

La « raison d’être » et la « mission », les composantes de l’entreprise à mission

La « raison d’être » définie par la loi Pacte est une dynamique de pensée sans réelle contrainte pour laquelle l’entreprise formule son engagement par rapport à la durabilité, en activant des moyens pour matérialiser ledit engagement qu’elle entend affecter dans la réalisation de son activité. Cette volonté affichée, sans aller jusqu’à l’inscrire dans les statuts de la société, est un axe structurant pour l’entreprise. C’est un moyen d’ouvrir un espace de dialogue avec les actionnaires sur l’évolution de l’entreprise vers la durabilité (article 1835 du Code Civil).

Quant à la « mission » inscrite dans la loi Pacte, l’entreprise s’autocontraint à un positionnement non équivoque via des engagements explicites et irréversibles. Ces engagements sur la « raison d’être » sont inscrits dans les statuts de la société. Ils sont mesurés et suivis. Ainsi, la « mission » devient une contrainte que l’entreprise se donne à elle-même. De plus, elle se transmet au fil du temps, quels que soient les changements de dirigeant ou d’actionnaire (article 1835 du Code Civil).

 

L’entreprise à mission, un engagement réfléchi mettant en avant les enjeux d’innovation et de pérennité

L’évolution vers ce nouveau modèle d’entreprise attache les entreprises à un questionnement sur leur utilité dans les années à venir et à une projection long terme de leur destinée. Elle nécessite dans une formulation stratégique, à une réinterrogation de leur finalité afin d’élaborer une nouvelle colonne vertébrale autour de laquelle elle souhaite pivoter pour :

  • Participer à l’économie durable nécessaire à la planète,
  • Améliorer ses performances opérationnelles et financières.

Piloté par le dirigeant, ce processus de maturation cadencé par des itérations de réflexion se fait dans un esprit de transparence autour d’un dialogue actionnarial renouvelé, conforté par le collectif mettant en avant les enjeux d’innovation et de pérennité. Ainsi l’entreprise de demain ne se réduit plus au partage des bénéfices dans l’intérêt commun des actionnaires. Elle devient aussi contributrice au bien commun.

 

Comment devenir une société à mission ?

En France, par la loi Pacte de 2019, la société à mission est une « qualité » d’entreprise. Elle n’a pas besoin de changer de forme juridique pour le devenir. Cependant, elle doit :

  • Changer son statut pour inclure la raison d’être de l’entreprise intégrant les objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne dans le cadre de son activité.
  • Créer un comité de mission en charge de contrôler, de challenger la réalisation des objectifs annoncés tout en nourrissant la réflexion stratégique et d’en faire le suivi dans un rapport annuel.
  • Déclarer sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce. Cette inscription est visible dans son K-bis et le répertoire Sirene de l’Insee. Elle permet de rendre cette qualité opposable aux tiers tels que clients, partenaires ou pouvoirs publics.
  • Se faire contrôler tous les deux ans par un organisme tiers indépendant (OTI) accrédité par le comité français d’accréditation (COFRAC). Celui-ci rendra un avis pour savoir si la société respecte ou non les objectifs qu’elle s’est fixés. L’avis de l’organisme doit également être publié sur le site internet de la société et rester accessible pendant au moins 5 ans. Si les objectifs ne sont pas atteints, une procédure de retrait de la qualité de société à mission peut être réalisée auprès du président du tribunal de commerce compétent par les parties prenantes.
  • S’auto-engager à délivrer un niveau de transparence élevée pour ses parties prenantes.

 

À l’étranger, ce modèle d’entreprise existe également. Il s’agit des « Benefit corporation » aux USA ou des « Société benefit » en Italie. ‍ Sur la France, on recense au premier trimestre 2021, 154 sociétés à mission contre 124 fin 2020. Elles sont réparties pour 79 % dans les activités de services, 11 % du commerce et 10 % de l’industrie.

Sur les 18 entreprises dans la finance, 10 relèvent du secteur de l’investissement. Source : Baromètre de l’Observatoire des Sociétés à Mission. Sur la France, l’API Sirene intègrera fin 2021 dans ses champs la nouvelle variable « société à mission ».

 

Les objectifs des entreprises à mission : performance économique et contribution au bien commun

Pour les investisseurs et les analystes financiers, ces nouvelles formes d’entreprise sont souvent mises en valeur par leur modèle d’affaires tenu par les principes de performance économique et de contribution au bien commun.

Ainsi, ces nouveaux « business models » sont respectueux de l’environnement, des populations et de la planète, en luttant contre le changement climatique et pour le travail décent. De plus, ils prennent en compte de manière permanente les intérêts légitimes des parties prenantes et ambitionnent de relever à travers l’entreprise des défis environnementaux, sociaux, scientifiques. Ils partagent également la conviction que l’entreprise moderne ne se réduit pas au partage des bénéfices dans l’intérêt commun des actionnaires, mais qu’elle est aussi contributrice au bien commun.

Les informations utilisées dans l’évaluation de la durabilité d’une entreprise

Pour évaluer et mesurer la durabilité et la performance d’une entreprise durable, la technique des analystes consiste à recenser et sélectionner un certain nombre d’indicateurs basés sur trois dimensions : économique, environnementale et sociale. Dans cette appréciation, ils s’intéressent à la stratégie de l’entreprise, sa politique RSE et à sa capacité à faire évoluer son offre contribuant activement au bien commun de la planète.

Parmi les informations les plus utilisées dans cette évaluation, on trouve :

  • La DPEF, pour Déclaration de Performance Extra-Financière. Obligatoire pour les entités cotées ou non cotées dépassant les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires net ou de total bilan, et employant plus de 500 salariés,
  • L’indice de performance environnementale IPE — II vise à comparer les performances environnementales des pays,
  • Les évaluations de sociétés extra financières,
  • Les questionnaires envoyés,

 

Évolution de la comptabilité associant capitaux financiers, humains et naturels

En comptabilité, pour évaluer le patrimoine durable et financier des entreprises, de nouveaux modèles sont en réflexion autour de la méthode IDEA (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles) ou du modèle CARE (Comptabilité Adaptée Renouvellement Environnement)

Dans sa conception, le modèle CARE :

  • Reprend les principes de la comptabilité traditionnelle focalisée sur le capital financier pour l’étendre aux capitaux naturels et humains avec des données chiffrées. La ligne directrice de l’évaluation porte sur le concept, lorsque l’entreprise dégrade un capital, elle porte la responsabilité de le réparer.
  • Considère l’environnement comme un passif, un emprunt à rembourser ou un capital à maintenir en toutes circonstances. Le coût correspondant à la dégradation du capital est enregistré dans une ligne « dotations aux amortissements naturels » ou « sociaux ».
  • Met en avant l’amortissement « Triple Ligne d’Amortissement » (TLA) ou « Triple depreciation line » en anglais selon la méthode 3 des 3 P — Personnes (humains), Planète (naturel), Profits (financiers) comme un outil de préservation du capital. Ces lignes affectent directement le compte de résultat de l’entreprise.

Cette méthode comptable développée sur une évaluation fondée sur le coût de maintien et de renouvellement des capitaux environnemental et social, encouragent les acteurs économiques à :

  • Réinterroger leurs modèles économiques,
  • Définir leurs impacts sociaux et environnementaux,
  • Identifier des leviers d’action en faveur d’un développement plus durable.

Quelle conclusion ? 

La thématique de la durabilité traverse le monde de l’entreprise et s’accélère. La notion de création de valeur durable, pour attirer les talents, les consommateurs et les investisseurs, implique pour l’entreprise de mettre l’accent sur son comportement responsable dans la prise en compte du bien commun de la planète dans une vision long terme.

De plus, elle contraint les entreprises, sans être en contradiction avec leur recherche de profit, à changer la façon dont elles envisagent les produits, les services, les technologies, les procédés et les modèles d’entreprise afin de rendre à la planète plus qu’elles ne consomment.