La filière vétérinaires intéresse les investisseurs

Si le capital-investissement est présent dans bon nombre de secteurs d’activité, peut-être est-il plus surprenant de le trouver dans l’actualité des cliniques vétérinaires. Ce marché s’est en effet progressivement libéralisé, au point que lorsque les vétérinaires ont initié une réflexion de valorisation, de développement, de cession de leur activité, se tourner vers de nouveaux partenaires (et donc de nouveaux capitaux) s’est démocratisé.

Particulièrement attractif, le secteur connaît une croissance régulière… D’autant qu’avec 15,1 millions de chats et 7,5 millions de chiens, 1 foyer français sur 2 possède un animal de compagnie ! Et n’oublions pas le monde agricole avec un cheptel de 18 millions de bovins, de plus d’un million de caprins, d’un million de chevaux et un peu moins d’un million de porcs. Ceci représente le principal de l’activité vétérinaire pour un marché total estimé à 3 milliards d’euros en France.

Jusqu’à présent atomisé, le secteur des cliniques vétérinaires est désormais en voie accélérée de concentration, sous l’impulsion d’une dizaine de groupes, comme ce fut le cas avec les laboratoires d’analyse. Preuve, parmi d’autres, de cette tendance : le 8 juin dernier, ARDIAN, un des leaders mondiaux de l’investissement privé, a annoncé la mise en place d’un nouveau financement afin de soutenir SEVETYS dans l’acquisition de 100 cliniques vétérinaires supplémentaires en France.

Basé à Paris, SEVETYS est l’un des principaux opérateurs de cliniques vétérinaires en France avec déjà environ 180 établissements. Tous les indicateurs semblent indiquer que cette tendance ne devrait pas s’inverser dans les années à venir, voire bien au contraire, se renforcer.

La marge d’EBITDA visée pour chaque établissement par les groupes serait de l’ordre de 20 %, pour atteindre un niveau consolidé d’environ 15 % (après déduction des frais de siège). Le développement du chiffre d’affaires est réellement devenu une préoccupation quotidienne, comme dans toute société privée. Les soins, les médicaments représentent l’essentiel des gains, mais les produits annexes tels que les croquettes et autres produits dérivés prennent de l’importance, jusqu’à représenter 15 % de l’activité dans certaines enseignes, la plupart arborant de véritables rayons dédiés en magasin.

En parallèle, s’est bien entendu développé un marché d’assureurs avec des acteurs tels que AGRIA qui revendique sa place de 1er assureur européen pour les animaux de compagnie. Des banques et assureurs classiques comme AG2R, CRÉDIT MUTUEL, GAN, MATMUT, APRIL ou encore AXA, GROUPAMA proposent leurs garanties… Ou encore CARREFOUR BANQUE ET ASSURANCE (liste non exhaustive).

La concentration en cours est un défi majeur pour les éleveurs français

Longtemps associée à la médecine générale, la notion de « désert médical » commence en effet à s’appliquer à la profession vétérinaire. Ainsi, à l’instar des médecins, les jeunes vétérinaires diplômés sont peu tentés d’exercer en milieu rural et préfèrent s’établir en ville où les conditions de travail, dont les horaires sont moins contraignants.

En effet, les conditions d’exercice en milieu rural sont plus difficiles en raison du travail (souvent en extérieur et par là même soumis aux intempéries), aux heures passées sur les routes et à la forte amplitude des horaires liés aux urgences et aux gardes. Ce problème d’astreinte n’est d’ailleurs pas uniquement rural puisque les mêmes difficultés de recrutement se retrouvent au sein des cabinets en ville.

Cette problématique est avant tout un phénomène de société. Comme bon nombre de professionnels, les attentes de chacun ont évolué. Le temps consacré à la famille est devenu une priorité et s’avère parfois non négociable auprès des employeurs. Sans oublier la difficulté pour un conjoint « qui suit », de trouver un travail dans des zones parfois économiquement peu dynamiques.

Avec l’augmentation de la taille des cliniques, liée principalement à l’activité canine (y compris à la campagne), une spécialisation des vétérinaires s’est progressivement développée. La gestion des tours de garde, avec l’allongement des plages horaires pose alors problème ; la tentation d’arrêter l’activité s’immisce ainsi parfois dans les esprits… Sans compter que la rentabilité de certains actes associée à des déplacements en zone rurale parfois supérieurs à 100 kilomètres peut être pointée du doigt…

En effet, avec les grands groupes, la problématique ne semble plus un maillage cohérent et efficace du territoire rural, mais clairement une question de rentabilité. Lorsqu’une comptabilité analytique est réalisée, couplée à la difficulté de recrutement de praticiens ruraux, des décisions peuvent être prises afin de mettre fin aux interventions sur les bovins et ovins, et ainsi de privilégier les animaux de compagnie : moins de dangerosité pour l’intervention, moins de kilomètres (le client amène souvent le chien ou le chat à la clinique), meilleure rentabilité des radios et autres scanners, opérations et soins annexes facturés souvent au prix fort, sans oublier comme déjà évoqué, les aliments ou autres dérivés.

Les éleveurs devront-ils désormais se former davantage aux gestes minimaux d’intervention sur leurs cheptels et accepter par là même, un taux de perte bien supérieur à celui déjà enregistré actuellement ? Sachant que, dans les cheptels allaitants, le taux de pertes de veaux varie fortement entre élevages, mais peut fluctuer au sein d’un même élevage d’une année sur l’autre. Un taux de mortalité inférieur à 7 %, entre la naissance et le sevrage, est considéré comme étant acceptable, mais au-delà de 10 %, ce ratio devient élevé et peut mettre en péril toute l’exploitation… Surtout si d’une année à l’autre le phénomène perdure. À noter que le vêlage et l’agnelage demeurent parmi les principaux facteurs engendrant la perte de veaux et d’agneaux.

Selon les chiffres du recensement agricole 2020, la France métropolitaine a perdu environ 100 000 exploitations agricoles en dix ans, pour atteindre 31 % de perte pour les seuls élevages.

Un jeune agriculteur désirant s’orienter vers l’élevage ne doit-il pas revoir son projet s’il ne peut compter sur un vétérinaire géographiquement proche de son exploitation ? D’autant que la tendance actuelle à la concentration du secteur vétérinaire semble irréversible. Il est peu probable que des cliniques intégrant aujourd’hui des groupes redeviennent indépendantes.

Désintégration du maillage des territoires ruraux et perte de résilience de ces derniers en cas de désengagement de l’activité Vétérinaires

Si des départements comme celui de la Creuse sont encore globalement épargnés, comparés à l’Allier, l’Yonne ou encore la Côte d’Or, il n’en demeure pas moins que cette situation est source d’inquiétude et un véritable enjeu pour l’avenir de l’élevage en France.

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